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Mariage blanc : le soupçon de l’étranger

Blanc, c’est traditionnellement la couleur de la robe de mariée, en France. Bien que la couleur se soit imposée surtout par mode, la symbolique est forte: pureté, virginité. Mais « blanc » est aussi le nom donné, dans le langage courant, au mariage considéré comme frauduleux, également appelé « mariage de complaisance ».

Par Eva Tapiero

Qu’y a-t-il donc de frauduleux dans ce mariage ?

L’article 146 du Code civil dispose qu’« il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ». A défaut, le mariage est sanctionné par la nullité. La jurisprudence a ensuite étendu cette notion à l’absence « d’intention matrimoniale ».

Dans l’union de deux Français.es, la recherche de cette intention matrimoniale n’existe que si l’un.e des deux est dans l’ignorance. Si, comme dans le cas présupposé du « mariage blanc », les deux époux.ses s’entendent sur l’objet de leur union, aucune investigation ne sera effectuée.

Pour un couple binational en revanche, c'est-à-dire dans lequel un.e des deux conjoint.e.s est étranger.ère, le soupçon existe d’office. C’est ce que montre la sociologue Manuela Salcedo Robledo dans sa thèse de 2015 intitulée « Amours suspectes, couples binationaux de sexe différent ou de même sexe sous le régime de « l’immigration subie » » et soutenue à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales). 

"C'est quoi, un vrai couple ? Il peut y avoir à la fois des intérêts et de l'amour, la vie est plus compliquée que ça"

Manuela Salcedo Robledo, sociologue

Une préoccupation récente pour limiter l’immigration

Jointe par téléphone, la chercheuse explique comment le discours autour du mariage blanc est celui de la protection (des citoyen.ne.s français.es), alors « qu’il s’agit d’un moyen de réguler l’immigration. Il y a 40 ans, les mariages mixtes étaient un signe d’intégration, c’était un signe positif. Dans les années 2000, c’est devenu problématique pour l’Etat. »

La première loi instaurant un contrôle de ces mariages date de 1993, c’est la « loi Pasqua ». Elle sera suivie en 2003 de la “loi Sarkozy” avec la création du délit de mariage de complaisance, qui vise exclusivement les couples binationaux. Ce délit est aujourd’hui exposé à l’article 823-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, pour toute personne, de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. »

Sans nier que les fraudes existent, la sociologue questionne cette volonté de traquer des « faux couples ». « C’est quoi, les vrais couples ? Il peut y avoir à la fois des intérêts et de l’amour. Là, on va considérer que ce sont de « faux couples » parce qu’il y a un intérêt, or la vie est plus compliquée que ça. » Elle donne notamment l’exemple de deux Français.es se mariant pour des raisons fiscales. Dans ce cas, il n’y a ni soupçon, ni exigence de prouver que l’union est également celle de sentiments.

Par ailleurs, les couples binationaux peuvent, comme les autres, éprouver des difficultés et finir par se séparer, faut-il dès lors forcément considérer qu’ils n’avaient pas d’ “intention matrimoniale” ? D’autant que pour eux, l’injonction à passer ce cap rapidement est forte.

"Les couples ont une injonction au mariage pour rester ensemble sur le territoire, et en même temps le soupçon est permanent"

Manuela Salcedo Robledo, sociologue

Injonction contradictoire

Dans une proposition de loi datant de 2018 et « visant à renforcer la lutte contre les mariages frauduleux », une trentaine de député.e.s écrivaient ceci à titre liminaire : « Les futurs époux cachent le réel motif de leur union. Dans la grande majorité des cas, l’obtention d’un titre de séjour prolongé en France motive cet acte qui dénature le mariage ».

Outre l’impossibilité de connaître les différents motifs d’un souhait marital, la difficulté pour un.e étranger.ère extra-européen.ne d’obtenir un visa afin de vivre sur le territoire national peut en effet influencer ou accélérer la décision.

C’est ce que Manuela Salcedo Robledo décrit comme contradictoire. « Les couples binationaux ont à la fois une injonction au mariage pour pouvoir rester ensemble sur le territoire, car la délivrance de visas est très compliquée, et en même temps le soupçon sur leur union est permanent. »

Le mouvement « Les Amoureux au ban public » soutient les couples binationaux en leur proposant notamment une aide dans les démarches administratives ainsi que des permanences juridiques gratuites. Le mouvement publie sur son site de nombreux messages témoignant du parcours du combattant de ces couples : ils s’aiment, se connaissent depuis plusieurs années, vivent ensemble, mais tout cela n’est pas suffisant. Si preuve il doit y avoir, alors, passer son temps à courir de bureaux en bureaux, à empiler des documents, à continuer ensemble malgré la séparation physique, devrait pencher du côté de ces amoureux.ses. Charlotte fait partie de celles et ceux qui décrivent des années de difficultés, et termine son témoignage ainsi : « A mon amour que je n’abandonnerai pas malgré tout ce qu’on nous fait subir ».

Si cet article vous a plu, je vous invite à lire celui-ci sur Theotokos, le premier site de rencontres chrétien en France.

Vous pouvez également écouter l'épisode 34 du podcast, avec Marion qui nous raconte sa construction entre une famille maternelle juive pétrie de culpabilités et une famille paternelle catholique et antisémite.

Image de couverture : Photo via Vecteezy

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